Distance étrange
Un Paris sans Seine,
un Istanbul sans Bosphore,
un temps sans toi grandit
sur les rives de ma rancœur.
Une distance
comme des siècles cachés
entre deux chants de coq
ou dans une goutte de pluie
tombant sur mon front.
Une distance
comme la cassure du ressort lumineux
du cœur de l'enfant pareil à celui d'Aylan,
au bord de la mer
sur le chemin de la migration.
Une distance
comme un abîme à l'ombre d'un mot,
comme l'imagination de l'homme
qui donne des ailes à un serpent,
comme la transparence qui dort dans un grain de sable.
Une distance
comme la surprise d'apprendre
en écoutant la radio
que la pierre est un liquide solidifié.
Une distance
comme un vieillard qui guette le chemin de ses petits-enfants
dans une maison de retraite
et qui se rend compte d’un coup
qu’il a toujours posé en garde-à-vous
sur ses photos d’enfance.
Une distance
comme la relation entre les étoiles
aux senteurs printanières sur les branches de chalef
et un cheval qui doit galoper
pour enflammer sa crinière.
Une distance
comme la profondeur d'un air léger
dans la voix protectrice d'un père,
comme la nudité d'un torrent.
Une distance
comme un clin d'œil,
comme un jet de pierre,
comme un vol d'oiseau…
Une étrange distance
grandit entre nous.
Strana distanza
Una Parigi senza Senna,
un’Istanbul senza Bosforo,
un tempo senza te si espande
sulle sponde del mio rancore.
Una distanza
come secoli nascosti
tra due canti di gallo
o in una goccia di pioggia
che cade sulla mia fronte.
Una distanza
come la rottura della molla luminosa
del cuore di un bambino, simile a quello di Aylan,
in riva al mare
lungo il tragitto della migrazione.
Una distanza
come un abisso all'ombra di una parola,
come l'immaginazione dell'uomo
che dà ali a un serpente,
come la trasparenza che riposa in un granello di sabbia.
Una distanza
come la sorpresa di apprendere
alla radio
che la pietra è un liquido solidificato.
Una distanza
come un vecchio che scruta la strada dei nipoti
in una casa di riposo
e si rende conto d'un tratto
d'essersi sempre messo sull'attenti
nelle foto d'infanzia.
Una distanza
come il legame tra le stelle
dai profumi primaverili sui rami dello chalef
e un cavallo che deve galoppare
per infiammare la sua criniera.
Una distanza
come la profondità di un'aria lieve
nella voce protettrice di un padre,
come la nudità di un torrente.
Una distanza
come un battito di ciglia,
come un lancio di pietra,
come un volo d'uccello…
Una strana distanza
cresce tra noi.
Parle
Tu dois parler de quelque chose ;
parle que
je puisse te faire naître.
Par exemple, parle du champ marin à Zanzibar
où des femmes cueillent des algues,
parle, si tu veux, d’une femme
qui prépare le repas à cinq doigts au Kirghizistan
que je devienne le capitaine sur terre
du navire qui y va.
Parle de ton désespoir
quand la corde d’une turbulence de sens
passe soudain autour du cou de tes mots,
parle du mistral qui piétine les herbes du verbe
là où ton œil touche,
parle d’un pianiste maladroit
qui étrangle le clair de lune
dans la nuit des sonates.
Parle si tu veux de ton sommeil,
de ce puits plein de cauchemars ;
parle que
j’invente des histoires,
contre le lever du jour.
Parle de ta colère
car l’homme vole l’avenir de l’homme,
il rend étroit le monde pour lui aussi.
Tu dois parler de quelque chose
par exemple,
de charrue qui décore le jardin
ou du lancement d’un ticket de métro au Chili
comme un poids de boulet de canon
contre la figure de l’Etat.
Tu dois parler de quelque chose ;
parle que
je te fasse germer dans le sillon de la langue.
Parla
Devi parlare di qualcosa;
parla che
io possa farti nascere.
Per esempio, parla del campo marino a Zanzibar
dove le donne raccolgono le alghe,
parla, se vuoi, di una donna
che prepara il pasto con cinque dita in Kirghizistan
che io possa diventare il capitano sulla terra
della nave che vi sta andando.
Parla della tua disperazione
quando la corda di una turba del senso
si stringe all’improvviso attorno al collo delle tue parole,
parla del maestrale che calpesta le erbe del verbo
laddove il tuo occhio tocca,
parla di un pianista maldestro
che strangola il chiaro di luna
nella notte delle sonate.
Parla, se vuoi, del tuo sonno,
di quel pozzo colmo d’incubi;
parla in modo
ch’io inventi storie,
contro lo spuntare del giorno.
Parla della tua rabbia
perché l’uomo ruba il futuro all’uomo,
lo rende stretto anche per sé.
Devi parlare di qualcosa,
per esempio,
di un aratro che addobba il giardino
o del lancio di un biglietto della metro in Cile
come un colpo di palla di cannone
contro il volto dello Stato.
Devi parlare di qualcosa;
parla affinché
io ti faccia germogliare nel solco della lingua.
Nous trouverons
Nous trouverons un nouveau langage,
comme le vent habille les branches
au-delà des limites du silence
couvrant nos rêves de son souffle.
Un nouveau langage
qui ajoute des valeurs inconnues
à l’équation de l’homme.
Un langage comme un faucon qui monte
dès que tu détaches la ficelle de ses griffes
pour inscrire sur ses plumes ce qu’il voit du haut.
Nous trouverons un nouveau langage
qui nous apprend à lire le monde
à dépoussiérer le temps,
à le polir,
à savoir comment un soupir résume
la grandeur d’un regret.
Nous trouverons, nous trouverons un nouveau langage
pareil à la corde qui relie à nos flancs
une note au-delà des notes,
une dimension au-delà des dimensions.
Un langage
qui à l’ombre de nos sens
exprime les uns après les autres
les mains ardentes des flammes,
les secousses des rivières,
sans brûler,
sans détruire.
Généreux de son sourire,
réveillant de son toucher,
un langage que nous donnerons une voix ;
n’aie pas peur, personne ne le supprimera.
Nous le trouverons.
Troveremo
Troveremo un nuovo linguaggio,
come il vento veste i rami
oltre i confini del silenzio
coprendo i nostri sogni col suo respiro.
Un nuovo linguaggio
che aggiunga valori sconosciuti
all’equazione dell’uomo.
Un linguaggio come un falco che salga
non appena sciogli il laccio dalle sue grinfie
per scrivere sopra le piume ciò che vede dall’alto.
Troveremo un nuovo linguaggio
che ci insegni a leggere il mondo,
a spolverare il tempo,
a lucidarlo,
a sapere come un sospiro riassuma
la grandezza d’un rimpianto.
Troveremo, troveremo un nuovo linguaggio
simile alla corda che lega ai nostri fianchi
una nota oltre le note,
una dimensione oltre le dimensioni.
Un linguaggio
che all’ombra dei nostri sensi
esprima uno dopo l’altro
le mani ardenti delle fiamme,
i sussulti dei fiumi,
senza bruciare,
senza distruggere.
Prodigo del suo sorriso,
che svegli col suo sfioramento,
un linguaggio a cui daremo una voce;
non avere paura, nessuno lo sopprimerà.
Lo troveremo.
Pourquoi
Pourquoi mon désir s’accroit-il,
juste au moment de tailler la vigne,
d’apprendre au temps de t’écrire,
de déployer un chemin de rêves sous ses pieds
pour qu’il apprenne aussi
à ne pas se contenter seulement
de sa science de traverser le réel ?
Pourquoi pas,
par exemple,
juste au moment où je glisse ma voiture
entre deux lignes dans le parking
ou bien au moment où je saisis le sourire forcé
de la vendeuse chez le boulanger ?
Pourquoi fondent les notes,
se tendent les voix
les heures deviennent lierres
dont les fibres tressent des cordes
quand j’attends une mélodie valable
de l’opéra à trois sous de la vie ?
Pourquoi l’envie de me mesurer avec l’ouragan de la foule,
de courir en hurlant se mêle-t-elle dans l’affaire
juste au moment où mon pied glisse sur la marche
et pourquoi pas
quand je regarde en colère dans mon fauteuil moelleux
les canons à eau déployés en plein hiver
pour repousser des migrants
qui tentent de traverser la frontière ?
Je fais semblant comme si ces heures n’existaient pas
comme si tu n’étais pas
mon abri,
mon refuge,
mon sauveur
juste au moment où mon pied touche le sol.
Ma mémoire devient l’attrape-guêpe.
Partout le brouillard.
Perché
Perché cresce il mio desiderio,
proprio nel momento di potare la vite,
di insegnare al tempo a scriverti,
di stendere un sentiero di sogni sotto i suoi piedi
affinché impari anch'esso
a non accontentarsi soltanto
dell’arte di attraversare il reale?
Perché non,
per esempio,
proprio nel momento in cui infilo la mia macchina
tra due strisce nel parcheggio
o quando afferro il sorriso stereotipato
della commessa dal fornaio?
Perché si fondono le note,
s’innervosiscono le voci,
le ore diventano edera
le cui fibre intrecciano corde
quando aspetto una melodia sensata
dall'opera da tre soldi della vita?
Perché il desiderio di misurarmi con l’uragano della folla,
di correre gridando s’insinua proprio
nel momento in cui il mio piede scivola sul gradino
e perché non
quando guardo con rabbia dalla mia morbida poltrona
gli idranti schierati in pieno inverno
per respingere i migranti
che tentano di attraversare il confine?
Faccio finta che queste ore non esistano
come se tu non fossi
il mio riparo,
il mio rifugio,
il mio salvatore
proprio nel momento in cui il mio piede tocca terra.
La mia memoria diventa trappola per vespe.
Ovunque la nebbia.
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