Aujourd’hui
1er avril
mon père meurt
il m’abandonne aux insectes
Oggi
1° aprile
muore mio padre
mi abbandona agli insetti
*
Papa
en mourant
tu m’as donné une grande claque
dans le poème
Papà
morendo
mi hai tirato un gran ceffone
nella poesia
*
La mort
une étrangère
ses mains dans mon corps
chamboulant tout le paysage
La morte
un’estranea
le sue mani nel mio corpo
che scombinano tutto il paesaggio
*
Mon père plisse les lèvres
devant le visage qui doit le ramener
sa main fuit la mienne
qui doit être comme un mot
Mio padre increspa le labbra
dinanzi al volto che deve riportarlo
la sua mano schiva la mia
che dev’essere come una parola
*
Tes yeux
me poussent à te parler
avec des rangées de silences
et à les faire tomber dans ta main
comme des noisettes
I tuoi occhi
mi costringono a parlarti
con dei filari di silenzi
e a farli cadere nella tua mano
come nocciole
*
Mon père s’en fout de mon visage
même ma main posée sur son épaule
passe inaperçue
soudain il pleure
et se serre contre moi
désemparé comme un enfant
qui a fait un mauvais rêve
Mio padre se ne frega del mio volto
anche la mia mano posata sulla sua spalla
passa inosservata
d’un tratto piange
e a me si stringe
smarrito come un bambino
che ha fatto un brutto sogno
*
Papa est mort en faisant l’amour
nous lui avons mis sa plus belle veste
pour qu’il n’ait pas l’air trop nu dans la mémoire
Papà è morto facendo l’amore
gli abbiamo infilato il suo abito più bello
affinché non sembri troppo nudo nella memoria
*
J’introduis le canon de l’arme
dans ma bouche
et tire
sur
le
ciel
l’oiseau qui passait et que j’avais visé
est seul
main
tenant
Introduco la canna dell’arma
nella mia bocca
e sparo
al
cielo
l’uccello che passava e che avevo inquadrato
è solo
ora
mai
*
Ma réincarnation
je choisis un oiseau blanc
pour ne pas commettre d’ombre
sur l’ombre de mon père
La mia reincarnazione
scelgo un uccello bianco
per non commettere ombra
sull’ombra di mio padre
Da Sur la musicalité du vide 2, Editions Atelier de l’agneau (Prix des découvreurs 2007).
***
La rencontre :
Les coups d’épaule que nous fait une caresse.
L’incontro:
Le spallate che una carezza ci procura.
*
La mer rembobine ses images
Dans cette caresse qui te présente à moi
Je compte cinq étoiles
Ou peut-être six.
Il mare riavvolge le sue immagini
In questa carezza che a te mi presenta
Conto cinque stelle
O forse sei.
*
Quelque chose sur nos langues
Comme un goût de prose
Hâte notre baiser.
Qualcosa sulle nostre lingue
Come un sapore di prosa
Affretta i nostri baci.
*
Le dos et le ventre de l’instant :
Chirurgie des caresses.
La schiena e il ventre dell’istante:
Chirurgia delle carezze.
*
Nos caresses sont des voleurs de menthe.
Le nostre carezze sono ladri di menta.
*
Frisson d’une caresse
Que la nuit
Rend exact.
Brivido d’una carezza
Che la notte
Rende preciso.
*
Nous dormons
Toutes caresses ouvertes.
Dormiamo
Con le carezze spalancate.
*
Un fruit tombé s’ouvre
Avec les dents
Tu éteins l’énigme.
Un frutto caduto s’apre
Con i denti
Spegni l’enigma.
*
Ce monde
Est un trésor
Glissé de la cornée.
Questo mondo
È un tesoro
Scivolato dalla cornea.
*
Tes mouvements sur l’argile
Etaient des oranges
Que je devais
Aller ramasser.
I tuoi movimenti sull’argilla
Erano arance
Che dovevo
Andare a raccogliere.
*
L’argile répétait
En nous tenant les mains
La forme de certaines
Caresses.
L’argilla ripeteva
Tenendoci le mani
La forma di certe
Carezze.
*
Tous les jours
Sur ton corps
De la matière
Pour rester silencieux.
Tutti i giorni
Sul tuo corpo
Materia
Per stare in silenzio.
*
Nous nous échappons du poème
Jusqu’à ce que nos caresses
Nous couchent sur une autre page.
Scompariamo dalla poesia
Fino a quando le nostre carezze
Ci sdraiano su un’altra pagina.
*
J’ai conservé le moulage de mon corps
Au cas où tu reviendrais.
Ho conservato il calco del mio corpo
nel caso tu tornassi.
Da Recueil des caresses échangées entre Camille Claudel et Auguste Rodin, Editions de l’Atlantique, 2008.
***
La mer est une lettre ouverte par le chant des oiseaux – et les rires des enfants venus la déchiffrer sont cousus à la première haute vague, avant son posé d’écume sur le coupant des coquillages.
Avec l’aisance d’un sourire, la rivière conjugue les oscillations diverses des barques.
Au coucher du soleil, les murmures des feuillages s’appesantissent un peu sur le froid des pierres, alors, la douce électricité du cœur entretient un cousinage avec les fleurs.
Notre vie n’est jamais ajustée à la réalité des fleurs. Il nous faut la patience de la terre qui s’effrite entre les doigts.
Ton visage en plein soleil d’aimer est une brassée de lilas dans la mer.
Au dos des fenêtres, il y a la couleur un peu frémissante d’attendre.
Le bruissement des fleurs dans ce qui est déjà le bleu.
La vie me touche avec la couleur des fleurs.
Une journée de toi. Je n’ai jamais vu une journée aussi belle dans le tremblé du temps.
Il y a des pensées belles comme l’encolure des chevaux, quelque part à la jonction de nos caresses et du ciel un peu occupé de lune.
Les larmes ne décorent le cœur que dans l’intime un peu bousculé du souvenir.
La lumière meurt sur les vitres comme les roses meurent dans le bleu.
Les lumières font le tour de nos cœurs.
Notre amour chemine dans le tremblé des silences un peu patients : ils naissent de nos hésitations.
Le fracas doux d’exister jusque dans le dernier sommeil.
Certains silences déposent leur couleur en nous.
Les plus douces blessures de la lumière sur le granulé des chemins.
Les étoiles bullent dans les fleurs.
Il mare è una lettera aperta dal canto degli uccelli – e le risate dei bambini giunti a decifrarla sono cuciti alla prima ondata alta, in anticipo del suo infrangersi di schiuma sul taglio delle conchiglie.
Con la scioltezza d’un sorriso, il fiume coniuga le diverse oscillazioni delle barche.
Al tramonto, i mormorii del fogliame si appesantiscono un po’ sul freddo delle pietre, allora, la dolce elettricità del cuore mantiene una parentela con i fiori.
la nostra vita non è mai adeguata alla realtà dei fiori. Ci serve la mitezza della terra che si frantuma tra le dita.
Il tuo volto in pieno sole di amare è un manipolo di lillà nel mare.
Sul retro delle finestre, vi è il colore un po’ fremente di attendere.
Il fruscio dei fiori in ciò ch’è già azzurro.
La vita mi tocca con il colore dei fiori.
Vi sono pensieri belli come l’incollatura dei cavalli, da qualche parte alla confluenza delle nostre carezze e del cielo appena riempito di luna.
Le lacrime non adornano il cuore che nell’intimo un po’ strattonato del ricordo.
La luce muore sui vetri come le rose muoiono nell’azzurro.
Le luci fanno il giro dei nostri cuori.
Il nostro amore si fa strada nel tremore dei silenzi un po’ pazienti: nascono dalle nostre esitazioni.
Il dolce chiasso di esistere fino nell’ultimo sonno.
Certi silenzi depongono i loro colori in noi.
Le più dolci ferite della luce sul granulato dei sentieri.
Le stelle bighellonano nei fiori.
Da Un seul coup d’aile dans le bleu, Editions de l’Atlantique, 2010.
***
Je me mets dans la colère de la vie
Qui ne veut pas cesser d’habiter les sourires
Le visage
Ce partage d’abandon
M’infilo nella rabbia della vita
Che non vuole smetterla di abitare i sorrisi
Il volto
Questa condivisione d’abbandoni
*
Nos caresses je les ai enroulées
Puis glissées sous l’édredon
J’ai pensé que c’était fini
Ton visage
A fait un enfant au silence
Le nostre carezze le ho arrotolate
Poi le ho fatte scivolare sul piumone
Ho pensato ch’era finita
Il tuo volto
Ha fatto un figlio al silenzio
Da Nos visages nous tiennent ensemble (inedito).
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