Etés, sillages et traversées
Tu me vois passer,
sous de mystérieuses fenêtres,
le front mouillé d’étoiles.
Un beau geste de feu
enfle et s’épaissit,
et la voix est ardente
sur la pierre de nuit.
Maîtresse des lointains,
de leurs parois de verre,
je suis antre ligneuse,
ventre bombé
où s’abîme le cri.
Haute flamme rouge
qui sent l’épicéa,
je m’accouple à l’espace
et nos bouches sagaces
déchiffrent le couchant.
J’écarte l’inanimé,
les puits de douleur
où, parfois, s’enterre le jour,
m’agrippe aux francs cordages
de la maison d’été.
Maison moussue
qui marche, pieds nus,
sous des tilleuls trop grands
et s’attarde, ingénue,
entre roselières et buttes de mots.
Maison frottée de soleil
où l’enfance, sans cesse,
commence parmi les dunes,
s’accroît de jardins,
s’éclaire à la lampe des fenils.
Tu me vois passer,
de longs siècles ont coulé.
Sous les ronces,
la démesure du sang,
le lait, généreux et tenace.
Vienne juillet
sous le jeune manguier
mordre le tronc,
mordre l’écorce,
puis avaler,
par lentes goulées,
le ciel tout entier.
Passager de mes forêts,
il porte dans son bec
rameaux solaires
et sèves en crue,
menant le fruit mûr
jusqu’aux lèvres nuptiales.
Agenouillé en moi
tu es chair du monde,
paysage au fusain
qui apprend la couleur.
Tu sais dire
les frayères,
l’osier,
le vent bleu.
Tu sais l’amour,
le sentier,
l’exigence.
Si ronde
cette goutte d’azur
à l’aplomb de mon ventre
qui miroite et reflète
la ruche de tes mains.
Ecarquillée d’oiseaux,
ta peau lape ma peau,
fait frissonner les branches,
et la mer rentre en nous,
et la mer nous lave
de sa langue râpeuse.
Mouillés jusqu’à l’aubier,
nos corps s’inclinent
comme avant le déferlement,
deviennent hellébore,
écume, harpe éolienne.
Vienne juillet sous le jeune manguier.
Cet été-là,
la pluie réalisa
qu’elle avait oublié
le joli mois de mai.
Sans plus attendre,
elle avala prés et villages,
moutons et centaurées
se trouvant sur sa route.
Elle se gonfla tellement
que, de rideau, elle devint enclume
puis vague insaisissable.
Elle déferla sur juillet,
diluant de sa fougue
l’or des moissons
et les crêtes des coqs.
Abusive, elle entraîna sous terre
la joie des passiflores,
martela les rochers
de ses poings,
de ses pieds.
Elle s’acharna,
s’insinua,
ronde et longue,
avide jusqu’au blasphème.
Elle soliloqua,
tonitruante et altière,
déteignant les roses trémières
aux joues des lavandières.
Soudain, elle suspendit ses gouttes
au fil de mon jardin,
convia l’arc-en-ciel
au festin des mésanges.
Elle s’ébroua bien un peu
sur la mousse d’un dahlia,
éternua sous cape
au pied d’un calvaire.
Cet été-là,
des fleurs que je n’avais jamais regardées
s’ouvrirent un matin
au fond de mon jardin.
On se sera assis face à la mer
parmi les chaises vides,
la défroque des hortensias
et les restes de l’été.
On se sera cramponné au phare le plus proche,
celui de deux ou trois lucioles
qui se sont attardées.
On aura tenté de déchiffrer la rouille
qui mord le bleu profond
et aussi la maison désertée
par le rire des enfants.
Et vers les étoiles
qui ne peuvent plus rien,
longuement,
on se sera tourné.
Un jour d’été
entre les lignes,
transmettre la blancheur,
s’ébrouer dans les signes.
De l’éclair au point,
des vagues à la virgule,
tout un pays transporte
sa soif, ses sonnailles,
l’arête d’or
de son architecture.
Terre pacifiée où j’ose raturer
les maisons détruites,
l’arrogance.
Qu’est-ce qui s’échappe
de la marge
et tremble sous ma main ?
Les yeux d’une sultane,
une aile balbutiante,
les preuves de la joie ?
Au coin d’une phrase
batifolent les herbes,
j’y plonge avec délices
tous mes rêves d’enfant.
Sans attendre la ponctuation
qui érode le chemin,
enfourcher les mots,
les nuages qui passent.
A marée basse,
les runes éclairent le rivage,
perpétuent le message.
Chaque trace nous délivre.
Chaque été nous abreuve.
Passagère de l’instant,
je vais, le front ceint d’hirondelles,
les mains pleines d’été,
au-devant du poème.
Me frayant un chemin
dans le jour alenti,
je frôle tous les sangs,
les extirpe de l’oubli.
Ruissellement d’odeurs familières,
clapotis de courbes en ombelles
l’immensité voyage dans le corps de la femme,
les mots sont ses lèvres
qui veulent tout goûter.
Capiteuse, la langue s’insinue,
effleure ventre et voyelles,
remonte le courant,
abolit le temps,
invente un vieux soleil.
Passagère du poème,
je vais,
jusqu’au bout de la page,
jusqu’au bout de la nuit.
J’ai rendez-vous,
sur des cimes sans âge,
avec l’oiseau de feu.
Je le connais,
j’ai habité son chant.
Je ne peux plus mourir.
Estati, solchi e traversate
Mi vedi passare,
sotto misteriose finestre,
la fronte fradicia di stelle.
Un bel gesto di fuoco
si gonfia e si addensa,
e infuocata è la voce
sulla pietra notturna.
Padrona delle lontananze,
delle loro pareti di vetro,
sono antro ligneo,
tondo grembo
in cui sprofonda il grido.
Alta fiamma cremisi
odorosa di abete,
allo spazio mi unisco
e le nostre sagaci bocche
svelano il tramonto.
Allontano l'inerte,
i pozzi di dolore
dove, talvolta, si seppellisce il giorno,
mi aggrappo alle robuste funi
della casa estiva.
Casa di muschio
che cammina, scalza,
sotto gl’ingombranti tigli
e si attarda, ingenua,
tra canneti e colline di parole.
Casa graffiata dal sole
dove l'infanzia, di continuo,
inizia tra le dune,
si arricchisce di giardini,
si illumina alla lampada dei fienili.
Mi vedi passare,
sono trascorsi lunghi secoli.
Sotto i rovi,
la sovrabbondanza del sangue,
il latte, generoso e tenace.
Venga luglio
sotto il giovane mango
a mordere il tronco,
a mordere la scorza,
poi ingoiare,
a lenti sorsi,
l’intero firmamento.
Passeggero delle mie foreste,
trattiene nel becco
rami solari
e linfe in piena,
portando il frutto maturo
alle labbra nuziali.
Inginocchiato in me
sei carne del mondo,
paesaggio a carboncino
che impara il colore.
Sai dire
le acque di riproduzione,
il vimini,
il vento azzurro.
Tu conosci l'amore,
la via,
l'esigenza.
Così rotonda
questa goccia d'azzurro
a picco sul mio ventre
che riflette e rispecchia
l’alveare delle tue mani.
Dilatata di uccelli,
la tua pelle lambisce la mia pelle,
fa fremere i rami,
e il mare ci penetra,
e il mare ci lava
con la sua lingua ruvida.
Bagnati fino al midollo,
i nostri corpi si piegano
come prima dell'impeto,
diventano elleboro,
schiuma, arpa eolica.
Giunga luglio sotto il giovane mango.
Quell'estate,
la pioggia s’accorse
di aver dimenticato
il bel mese di maggio.
Senza indugi,
inghiottì prati e villaggi,
pecore e centauri
che incontrava lungo il cammino.
Tanto si gonfiò che, da tenda, diventò incudine
e poi onda inafferrabile.
Rovesciò su luglio
la sua impetuosità,
diluendo l'oro dei raccolti
e le creste dei galli.
Abusiva, ella trascinò sottoterra
il giubilo delle passiflore,
martellò le rocce
con i pugni,
con i piedi.
Si ostinò,
si insinuò,
tonda e lunga,
vorace finanche al blasfemo.
Parlò da sola,
fragorosa e altera,
sbiadendo le malvarose,
sulle guance delle lavandaie.
All'improvviso, sospese le sue gocce
al filo del mio giardino,
convocò l'arcobaleno
al banchetto delle cince.
Si scosse appena
sul muschio di una dalia,
starnutì in sordina
ai piedi di un crocifisso.
Quell'estate,
i fiori che non avevo mai guardato
si schiusero una mattina
in fondo al mio giardino.
Ci saremo seduti di fronte al mare
tra le sedie vuote,
le vesti delle ortensie
e le spoglie dell'estate.
Ci saremo aggrappati al faro più vicino,
quello con due o tre lucciole
in vena di bighellonare.
Avremo tentato di decifrare la ruggine
che rosicchia il blu profondo
e anche la casa abbandonata
dal riso dei bambini.
E verso le stelle
impotenti di fronte alla sorte,
a lungo,
ci saremo rivolti.
Un giorno d'estate
tra le righe,
diffondere il biancore,
scrollarsi nei segni.
Dal lampo al punto,
dalle onde alla virgola,
tutto un paese trasporta
la sua sete, le sue campane,
la linea dorata
della sua architettura.
Terra pacificata dove oso cancellare
le case distrutte,
l'arroganza.
Cosa sfugge
dal margine
e trema sotto la mia mano?
Gli occhi di una sultana,
un'ala balbettante,
le prove della gioia?
Per caso in una frase
svolazzano le erbe,
dove affondo con diletto
ogni sogno infantile.
Senza attendere la punteggiatura
che erode il cammino,
cavalcare le parole,
le nuvole che passano.
A bassa marea,
le rune illuminano la costa,
prolungano il messaggio.
Ogni traccia ci libera.
Ogni estate ci disseta.
Passeggera dell'istante,
m’incammino, fronte cinta di rondini,
mani cariche d'estate,
incontro alla poesia.
Fendendo la strada
nel giorno allentato,
sfioro ogni sorta di sangue,
strappandolo dall'oblio.
Scroscio di profumi familiari,
schizzi di curve a inflorescenze,
l'immensità viaggia nel corpo della donna,
le parole sono le sue labbra
che ingorde assaggiano.
Inebriante, la lingua s'insinua
sfiora ventre e vocali,
risale la corrente,
cancella il tempo,
inventa un antico sole.
Passeggera della poesia
m’incammino
fino alla fine della pagina,
fino alla fine della notte.
Ho un appuntamento
su vette senza tempo,
con l’uccello di fuoco.
Lo conosco,
ho vissuto il suo canto.
Non posso più morire.
|