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Samedi 21 mars 2020
In cinerem venturi.
Advenus à la cendre.
Le deuil a coulé de leurs regards vitreux lorsque la vie a voulu pénétrer en eux.
Combien de corps corovirés seront advenus à la cyanose, à la cendre ?
Ont-ils eu leur ultime éblouissement en une corolle de feu, avant que la couronne ne fige la mouvance de leur thorax dans le noir, ne s’empare de leurs deux poumons malgré le ciel ?
Cet oiseau de mon balcon passera-t-il lui aussi ? Passereau-t-il ?
Luisant de son plumage d’étourneau, digne de l’âtre dévolu aux flammes, à la cendre encore chaude, de plus en plus froide.
Le prêtre trace une croix sur le front des fidèles le jour du Carême.
Mercredi des Cendres.
Mercredi de nos cendres.
Mâchefer finement pilé ourlant la plèvre de nos trous noirs.
Dans les cavités de nos puits à respirer, la cendre s’accumule, le poussier y suffoque nos boyaux à gueules noires.
La bronche, sa fleur à bronchiolite, respire tout un mâchefer de dedans le soleil du matin.
Par où s’immiscent nos mouches invisibles ?
Mâchefer, soleil cendreux du poumon dans les airs.
Êtres, âtres figés et sans vie.
À quoi bon la couronne que l’on ceint ?
La corolle que l’on craint.
Coloration de cendre bleutée qui fait la cyanose en chemin.
Vanitas vanitatum.
Un homme court encore, ici, au bord de l’étang des mouettes.
Le souffle survivrait-il à la cendre ?
Ballet sinistre et incessant des ambulances là-bas autour…
Elles tournent et virevoltent autour de nos vies… leurs sirènes hurlent en nous, y inscrivent un désespoir à trois notes…
Désespoir de roses en plastique sur vos tombes.
Hier, 627 morts en 24 heures, plus de 4000 en tout, à ce jour.
L’Italie est exsangue.
À quoi bon les mots face aux maux ?
Nous vaquons tous ici comme ailleurs.
La cendre inscrit.
Mercredi de cendres.
La croix bleutée de tous ces corps sur nos fronts d’hommes et de femmes sans vie.
In cinerem venturi.
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Sabato 21 marzo 2020
In cinerem venturi.
Assegnati alla cenere.
Il lutto stillava dai loro sguardi vitrei quando la vita ha chiesto di penetrarli.
Quanti corpi corovirati si sono arresi alla cianosi, alla cenere?
Hanno avuto il loro ultimo abbaglio in una corolla di fuoco, prima che la corona irrigidisca, prima che la corona fissi il movimento del loro torace nel buio, non s’impadronisca dei loro due polmoni nonostante il cielo?
Questo uccello dal mio balcone passerà anche lui? Passerotterà?
Lucente dal suo piumaggio di storno, degno del focolare dedito alle fiamme, alla cenere ancora calda, sempre più fredda.
Il prete traccia una croce sulla fronte dei fedeli nel giorno della Quaresima.
Mercoledì delle Ceneri.
Mercoledì delle nostre ceneri.
Cascami sminuzzati con cura che orlano la pleura dei nostri buchi neri.
Nelle cavità dei pozzi da respirare, la cenere si accumula, la polvere vi soffoca le nostre viscere dal grugno nero.
Il bronco, il suo fiore da bronchiolite, respira tutto un cascame da dentro il sole mattutino.
Da dove s’intrufolano le nostre mosche invisibili?
Cascame, il sole cenerino del polmone nell’aria.
Esseri, focolari fissi e senza vita.
A che cosa serve la corona che cingiamo?
La corolla che temiamo.
Colorazione di cenere azzurrognola in cammino diventa cianotica.
Vanitas vanitatum.
Un uomo corre ancora, qui, all’orlo dello stagno dei gabbiani.
Che il respiro sopravviva alla cenere?
Squallido e incessante balletto delle ambulanze laggiù attorno…
Girano e vorticano attorno alle nostre vite… le sirene urlano dentro di noi, vi scrivono uno sgomento a tre note…
Sgomento di rose in plastica sulle tombe.
Ieri, 627 morti in 24 ore, più di 4000 in totale, finora.
L’Italia è esangue.
A che servono le parole di fronte ai patemi?
Noi andiamo tutti avanti qui come altrove.
La cenere traccia.
Mercoledì delle ceneri.
La croce azzurrina di tutti quei corpi sulle nostre fronti di uomini e donne senza vita.
In cinerem venturi.
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À Paulette Raux
L’éternité a un chapeau bleu
et danse au milieu des coquelicots,
– bleuets fous et moiteur d’épis –
frôlant leurs étoffes de carmin
tandis qu’au bout de son porte-cigarette
entre ses doigts délicats se consume
l’instant fugace et rieur
« L’éternité a un chapeau bleu et danse au milieu des coquelicots ». Ce vers-là résiste, il demeure en exergue sur les eaux de la mémoire, malgré les coups de semonce des vagues qui rongent peu à peu la côte, madrépore du temps qui demeure…
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A Paulette Raux
L’eternità ha un cappello azzurro
e danza in mezzo ai papaveri,
– folli fiordalisi e umidori di spighe –
sfiorando le loro stoffe di carminio
mentre in punta del suo porta-sigarette
tra le dita leggere si consuma
l’istante effimero e gioioso
«L’eternità ha un cappello azzurro e danza in mezzo ai papaveri». Quel verso resiste, rimane in esergo sulle acque della memoria nonostante i campanelli d’allarme dell’onde che rosicchiano a poco a poco la costa, madrepora del tempo che resta…
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8 avril
Je n’aime pas le 8, je lui préfère le 7. J’ai toujours préféré les chiffres impairs, qui ne permettent pas la symétrie, ennuyeuse symétrie. Le 8 est pourtant symbole d’infini, infini de nos fins. Il est finitude et infini réunis. Je devrais donc aimer le 8 en ces temps confinés, mais je lui préfère le 7, sa diagonale qui cherche une stabilité horizontale dans les airs, qui tient sur un pied à l’instar d’une danseuse en équilibre sur le vide. À mieux tenter de comprendre cette préférence et cette non inclination pour le 8, je m’aperçois que si je n’aime pas le 8, c’est parce que c’est avant tout le 8 académique que je déteste. Oui, le 8 académiquement écrit. Je lui aime, au contraire, les variations de chacun à écrire le 8 à sa façon, lui préfère un art du 8 autrement, le laissant par exemple ouvert aux influences venues de l’extérieur, ce qui évite de l’inscrire en une fermeture de deux zéros l’un sur l’autre, un peu bedonnants et assez sûrs d’eux. J’aime mieux quand le 8 prend les virages du grand 8 et escampe sur les bords, du fait de la force centrifuge qu’entraîne la vitesse. Quand le 8 devient virage, alors j’aime assez ; j’aime tout court.
8 avril 2020, un mercredi, j’aime imaginer que le 8 s’ouvre un peu, s’offre un peu d’ouverture dans notre confinement, par cet art de le transcrire de façon dynamique. J’aime imaginer qu’il ne reste pas confiné à soi. J’aime donc les 8 qui s’aventurent, de nos graphies à les écrire vers ailleurs qu’eux, de ces forces centrifuges qui les ouvrent, les font moins sûrs d’eux-mêmes, aptes aux infinis rêveurs.
Car il est important d’offrir sa nudité du matin à l’oubli, afin de ne pas laisser entrer la conscience morbide du temps, la somme ou la multiplication de tous ces décès qui s’accumulent de par le monde. Il convient certes de déposer toujours une conscience-larme à l’autel des malheurs, mais il convient aussi d’oublier ces 2000 morts en un jour, hier, aux États-Unis, pour permettre à notre temps de s’écrire plus nu, dans les eaux supérieures de l’oubli, aux confins de l’éther, de ses sphères étoilées.
En somme, il faut toujours garder un infini rêveur à notre finitude, toujours ouvrir de ce fait les parois étanches de notre propre 8.
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8 aprile
Non amo l’8, gli preferisco il 7. Ho sempre preferito i numeri dispari che non permettono la simmetria, noiosa simmetria. Eppure l’8 è simbolo d’infinito, infinito della nostra fine. È finitudine e infiniti assemblati. Dovrei quindi amare l’8 in questi tempi confinati, ma gli preferisco il 7, la sua diagonale che cerca una stabilità orizzontale nell’aria, che si regge s’un piede solo allo stesso modo di una ballerina in equilibrio sopra il vuoto. Per meglio capire questa preferenza e questa non inclinazione per l’8, mi accorgo che non amo l’8, perché è prima di tutto l’8 accademico che detesto. Sì, l’8 accademicamente scritto. Di lui amo, al contrario, le variazioni di ciascuno a scrivere l’8 come gli va, gli preferisco un’arte dell’8 in altro modo, lasciandolo per esempio aperto alle influenze giunte dall’esterno, il che evita di scriverlo con una chiusura a due zeri, l’uno sull’altro, un po’ panciuti e alquanto sbruffoni. Preferisco quando l’8 attacca i tornanti dell’8 volante e schizza sui bordi per il fatto della forza centrifuga, che spinge alla velocità. Quando l’8 diventa curva, allora mi piace assai; amo semplicemente.
8 aprile 2020, un mercoledì, amo immaginare che l’8 si apra un po’, si regali una piccola apertura nel nostro confinamento, attraverso quest’arte di trascriverla in modo dinamico. Amo immaginare che non resti confinato a se medesimo. Amo quindi gli 8 che si avventurano, le nostre grafie quando li scriviamo verso un altrove, queste forze centrifughe che li aprono, li rendono meno spavaldi, idonei agli infiniti sognanti.
Poiché è importante offrire la propria nudità del mattino alla dimenticanza, al fine di non lasciare entrare la coscienza squallida del tempo, la somma o la moltiplicazione di questi decessi che si accumulano attraverso il mondo. Certo conviene sempre deporre una coscienza-lacrima sull’altare delle disgrazie, ma conviene anche dimenticare quei 2000 morti in un giorno, ieri, negli Stati Uniti, per permettere al nostro tempo di scriversi più nudo, nelle acque superiori della dimenticanza, ai confini dell’etere, delle sue sfere stellate.
Insomma, bisogna sempre conservare un infinito sognante alla nostra finitudine, aprire perciò sempre le pareti a tenuta stagna del nostro 8.
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12.04.20
Dimanche de Pâques.
Combien de mises au tombeau ?
Le monde a dépassé hier les 100 000 morts, dus au « Corona ».
« Rome n’est plus dans Rome », je lis, à propos du nécessaire renouveau, de la nécessaire régénération de notre civilisation mondialisée…
Rome ne serait-elle plus dans Rome ?
Marchons-nous vers une nouvelle utopie du « nous » et non plus du « je » forcené, comme le vaticinent certains ?
« Le sang sèche vite en entrant dans l’histoire ». Cette phrase d’André Malraux résonne en moi, démontant illico les rêves d’utopie.
Je lis « Le Pouvoir se dérobe devant l’Angoisse ». Quelle guerre se joue ? Celle contre un ennemi invisible qui nous menace dans notre chair ou la guerre entre un Pouvoir et une Angoisse ?
Je ne saisis pas toute la portée de ce que je viens de lire, mais qu’importe. Toute lumière pèse son poids irréductible d’ombre.
Tentons de continuer à avancer, malgré les ombres.
In cinerem venturi.
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12.04.20
Domenica di Pasqua.
Quante inumazioni?
Il mondo ha superato ieri i 100 000 morti, dovuto al «Corona».
«Roma non è più in Roma», leggo, a proposito della necessaria rinascita, della necessaria rigenerazione della nostra civiltà mondializzata…
Roma non sarà più in Roma?
Camminiamo verso una nuova utopia del «noi» e non più dell’«io» forsennato, come lo annunziano certuni?
«Il sangue asciuga in un attimo entrando nella storia». Questa frase di André Malraux risuona in me, dimostrando illico i sogni di utopia.
Leggo «Il potere fugge davanti all’Angoscia». Quale guerra si sta giocando? Quella contro un nemico invisibile che ci minaccia nella nostra carne o la guerra tra un Potere e un’Angoscia?
Non afferro tutta la portata di ciò che ho appena letto, ma che cosa importa. Ogni luce ha il suo peso irreducibile d’ombra.
Tentiamo di continuare ad avanzare nonostante le ombre.
In cinerem venturi.
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