à Patricia, disparue en vol de papillon,
le 17 octobre 2011, dans le secret
des parenthèses ouvertes
1
C’est peu après minuit.
L’abstention de vivre répète des noms.
Dans le revers du paysage,
bouche muette et faux-pas garanti,
ce qu’il est convenu d’appeler ta mort,
faute de pire.
Les épaules, toujours les tiennes, mais
se détachent en fractions d’être.
Congestion de tuyaux,
de signaux clignotants
comme une livraison chiffrée qui se prépare
vers l’inconsistant terminal
du port absent.
a Patricia, sparita in volo di farfalla,
il 17 ottobre 2011, nel segreto
delle parentesi aperte
1
È poco più di mezzanotte.
Il rifiuto di vivere ribadisce nomi.
Nel risvolto del paesaggio,
bocca muta e inciampo assicurato,
ciò che per convenzione chiamiamo la tua morte,
in mancanza di peggio.
Le spalle, sempre le tue, ma
si staccano in parte d’essere.
Ingorgo di tubi,
di segnali intermittenti
come una consegna cifrata che si prepara
verso l’inconsistente conclusivo
del porto assente.
Il y a ce réveil qui ne sera pas octroyé.
L’œil révise, une dernière fois,
chaque détail de ta géométrie, chaque grain sur ta peau,
tandis que
tu poursuis ton échappée,
loin, si loin déjà, bulle d’outre-monde.
Vi è questo risveglio che non sarà elargito.
L’occhio ripassa, una volta ancora,
ogni dettaglio della tua geometria, ogni granulo sulla tua pelle,
mentre
persegui la tua fuga,
lontano, già così lontano, bolla d’oltremondo.
On peut
tomber à genoux,
réclamer le fil du rasoir ou défier des yeux
les calculs vacants de résultats.
Si può
cadere in ginocchio,
pretendere il filo del rasoio o sfidare con gli occhi
i calcoli vuoti di risultati.
On peut aussi
refonder les répliques, arracher à l’antiquité des gestes
un feu brusque,
c’est la punition pourpre qui attend l’expiration,
prépare déjà son enveloppe et son cachet.
Si può anche
rifondare le repliche, strappare all’antichità dei gesti
un aspro fuoco,
è la porpora punizione che attende l’espirazione,
e già prepara busta e sigillo.
Dans l’amalgame du jour et de la nuit,
nous sommes tous les six (le compte est bon
ici, pour la dernière fois)
unis dans la réalité chimère,
et nos chemins se taisent,
soudain, à la confluence des voix.
Nel mischiarsi del giorno e della notte,
siamo tutti e sei (perfetto il conteggio
qui, per l’ultima volta)
uniti nella realtà illusoria,
e tacciono le nostre strade,
d’improvviso, al congiungersi delle voci.
2
Ta voix encens,
tes mains élégies,
plus un cri
pour le corps sous bandeau,
mais tes yeux,
fermés sous leurs paupières
avec les lettres de la nuit ?
tes yeux,
cause perdue de ce côté du monde ?
2
La tua voce incenso,
le tue mani elegie
nessun grido
per il corpo bendato,
ma i tuoi occhi,
chiusi sotto le palpebre
con le lettere della notte?
i tuoi occhi,
perduta causa di questo lato del mondo?
L’oubli a fait irruption
sous le tranchant,
a investi les parois,
embryon sous lumière
dans l’épicentre du sommeil.
Il apprête un chiffon
à ramasser les souffles.
Quoi faire pour que le journalier
redevienne autrement vivable ?
L’oubli se creuse des cavités où le tragique
est éconduit.
La dimenticanza sorta
sotto il fendente,
ha catturato le pareti,
germoglio acceso
nel culmine del sonno.
Prepara uno straccio
per raccogliere respiri.
Che cosa fare affinché il quotidiano
torni vivibile in altro modo?
La dimenticanza si scava solchi dove il dramma
è rimosso.
3
Pourtant ton corps est presque intact,
toujours prêt à désobéir au malheur.
Tes mains sont douces à y dormir encore
et par la peau qui te dessine,
les caresses mènent leur chemin de reconnaissance.
Eppure il tuo corpo è quasi integro,
sempre avvezzo a disubbidire alla sciagura.
Le tue mani così dolci da dormirvici ancora
e tramite la pelle che ti disegna,
le carezze portano il loro cammino di gratitudine.
Il y a un secret
du corps qui se retire,
sa lenteur soudain s’accroît,
sa vibration se fait inaccessible.
C’est un silence qui tremble sur lui-même, au creux
de l’oreiller du monde.
Vi è un segreto
del corpo che si ritira,
la sua lentezza d’un tratto si espande,
irraggiungibile la sua vibrazione.
È un silenzio che si trema addosso, nel cavo
del guanciale del mondo.
4
Tu ne seras jamais
carcasse, rouille, dislocation,
mais songe des mille et un naufrages
que nous avons été,
et plus encore,
cette pudeur extrême,
tombée en scène
sans dire mot.
4
Non sarai mai
ossame, ruggine, dislocamento,
ma sogno dei mille e un naufragio
che siamo stati,
e ancor di più,
questo sommo pudore,
caduto in scena
senza proferire parola.
PETITES NOTES ENTRE DEUX COURANTS D’AIR
PICCOLE NOTE TRA DUE CORRENTI D’ARIA
L’éducation commence. Se taire.
Inizio dell’educazione. Tacere.
*
Au terme de mille années de réflexions et de courses,
j’ai un faible pour ce passant du soir qui a commandé un banc pour regarder la lune.
Dopo mille anni di meditazioni e affanni,
ho un debole per questo viandante che all’imbrunire ha ordinato una panchina per guardare la luna.
*
Plus je le fixe des yeux, plus il me semble que ce chat
roux, posté sur le seuil, est en avance sur moi de plusieurs vies.
Più lo penetro con gli occhi, più mi sembra che questo gatto
fulvo, fermo sulla soglia, sia in anticipo su di me di parecchie vite.
*
Parfois vient l’éclair lucide et bienveillant. L’éboulement se laisse contourner.
Talvolta arriva il fulmine lucido e benevolo. La frana si lascia aggirare.
*
Apprendre aux mains à dormir, au regard à projeter son ombre, à la bouche à parler dans un trou d’eau.
Alle mani, insegnare il sonno, allo sguardo a proiettare la propria ombra, alla bocca a parlare in un varco d’acqua.
*
Quand les rayures strient l’horizon, l’iris prophétise sous la
paupière.
Quando le strisce graffiano l’orizzonte, l’iride profetizza sotto la
palpebra.
*
Nuit, cauchemardesque à souhait.
Puis vient un trou dans le pyjama du matin : seule
issue pour en sortir indemne.
Meraviglia d’una notte da incubi.
Poi capita un buco nel pigiama del mattino: sola via
per uscirne salvo.
*
La véritable angoisse de la page blanche : Qu’on la noircisse.
L’agghiacciante angoscia della pagina bianca: anneriamola.
*
Cela fait longtemps que la mort fore sa galerie sous l’extravagant château des récits où je tente d’éphémères consolidations. Il serait bienvenu de sortir un peu de chez toi et de marcher à vue, me suggère le grain de sable.
Da tempo la morte buca la sua galleria sotto il bizzarro castello dei racconti dove sperimento effimere conferme. Sarebbe auspicabile uscire un po’ da casa tua e camminare a vista, mi suggerisce il granello di sabbia.
*
En écriture, à force de se relire, on ne sait jamais ce que le passé
nous réserve.
Nella scrittura, a forza di rileggerci, non sappiamo mai ciò che il passato
ci propina.
*
Qui sait que dans le calendrier des espérants le jour de l’An est une saison à lui tout seul ?
Chi lo sa che nel calendario degli speranzosi Capodanno vale da solo una stagione?
*
Le rien avait posé tant de sentinelles autour de lui
qu’on avait fini par croire qu’il existait.
Il nulla aveva deposto tante sentinelle attorno a sé
che abbiamo finito col credere alla sua esistenza.
*
Croyance de nuage : gouverner c’est pleuvoir.
Credenza di nuvola: governare è piovere.
*
La fatigue aussi a ses habitudes, comme d’éteindre la
lumière en devançant le soir.
Pure la stanchezza ha le sue manie, come spegnere la
luce sopravanzando la sera.
*
Proverbe amoureux de saison.
J’arrive avec mes yeux. Fais que je reparte avec ta bouche.
Proverbio amoroso di stagione.
Arrivo con i miei occhi. Fa’ che riparta con la tua bocca.
*
On n’en a jamais fini avec ce qui est bref.
Non si smette mai con ciò che è breve.
*
Le rouge fait des ravages dans le ciel. Au-dessus, des
anneaux légers retiennent le vide.
Il rosso fa stragi nel cielo. Al di sopra, lievi anelli
trattengono il vuoto.
*
À défaut de livre, au moins cette promesse de poème,
à défaut de poésie, vite, au moins cette phrase
prononcée à tâtons dans la nuit,
à défaut de phrase, ce cri venu du ventre,
à défaut de cri, cette voix introuvable,
avec son bruit d’herbe
obstinée,
un léger souffle d’air en quelque sorte
sans défaut.
In mancanza di libro, almeno questa promessa di poesia,
in mancanza di poesia, presto, almeno questa frase
pronunziata a tastoni nella notte,
in mancanza di frase, questo grido uscito dal ventre,
in mancanza di grido, questa voce introvabile,
col suo rumore d’erba
cocciuta,
un lieve respiro d’aria in qualche modo
senza difetto.
*
C’est l’heure de nous laisser faire.
Il y a de l’innocence dans l’air,
dit la chanson des feuilles
qui en cet instant se passe même
de la rime fanée
des glaïeuls.
È l’ora di lasciarci quietare.
Vi è innocenza nell’aria,
recita la canzone delle foglie
che in questo istante fa persino a meno
dell’appassita rima
dei gladioli.
*
Certains jours sans vent, la mer à boire
apprend à s’incliner devant la première goutte d’eau
venue.
In certi giorni di non vento, il mare da bere
impara a inclinarsi davanti alla prima goccia d’acqua
che sgorga.
da Il y a de l’innocence dans l’air
*
En ce temps-là, nous entrons dans une image.
L’image nous conduit à la feuille.
La feuille accueille la rosée.
La rosée nous vient comme un visage.
Le visage n’a plus besoin de contour
pour que nous nous sentions exister.
L’image qui a accomplit son travail
peut alors disparaître
tout entière dans la goutte d’eau de ce temps-là.
A quel tempo, entriamo in una immagine.
L’immagine ci conduce alla foglia.
La foglia accoglie la rugiada.
La rugiada ci arriva come un volto.
Il volto non ha più bisogno di contorno
affinché noi ci sentiamo esistere.
L’immagine che ha compiuto il suo lavoro
può quindi sparire
interamente nella goccia d’acqua di quel tempo.
ENCRES AUX MARCHES DE YUNNAN
Le sage parcourt le monde sans sortir de sa chambre
Lao Tseu
INCHIOSTRI DAVANTI AI GRADINI DI YUNNAN
Il saggio percorre il mondo senza uscire dalla sua stanza
Lao Tseu
On est d’ici, songeant là-bas.
La quarantaine entre ses parois d’air
mûrit cet autre voyage.
Port de détachement, ces quelques mots en nœuds marins
sur la jetée
d’un pays encore impossible à toucher
autrement qu’avec les yeux fermés.
Siamo di qui, sognando laggiù.
La quarantina tra le sue pareti d’aria
matura quest’altro viaggio.
Porto del distacco, in nodi marini le poche parole
sul pontile
d’un paese ancora inattingibile
se non con gli occhi chiusi.
Ici, on dit de la pluie qu’elle est battante,
d’autres prétendent qu’elle fouette
ou bien qu’elle claque.
Un chat bien renseigné a même proclamé,
horrifié,
qu’elle mouillait,
et toutes les peaux du monde
auront frémi à cette nouvelle.
Qui, la pioggia vien chiamata battente,
altri dicono che frusta
oppure che schiaffeggia.
Un gatto informatissimo ha anche promulgato
inorridito,
che bagnava,
e tutte le pelli del mondo
con un fremito a questa notizia.
Subtil, si subtil,
dis-moi
où sont partis les maîtres du batik virtuose
et de l’indigo ?
Dans quelle carte postale qui ne sera jamais envoyée
ont-ils dissout
leurs histoires et leurs actes
à ne laisser pour nous que les effets d’un passage ?
Sottile, così sottile,
dimmi
dove sono andati i maestri dell’integerrimo batik
e dell’indaco?
In quale cartolina che mai sarà spedita
hanno disciolto
le loro storie e atti
fino a lasciare per noi solo gli esiti di un passaggio?
Au temple de Confucius,
les dragons voraces et consentants
s’enroulent autour des colonnes en bois.
Sagesse toujours à reprendre,
harmonie à réajuster chaque matin,
conscience stabilisée.
Al tempio di Confucio,
gl’insaziabili e consenzienti draghi
s’avvolgono attorno a colonne di legno.
Sagezza sempre da riavvolgere,
armonia da riaggiustare ogni mattina,
coscienza cosciente.
MINUTE DE SILENCE
Il n’y a plus de match France-Allemagne qui tienne,
plus de concert des aigles de métal mort,
plus de tournée à offrir au Café de la Belle Équipe,
ni de bière à siroter dans la salle du Carillon
ni de commandes pour un dessert au Petit Cambodge.
Il n’y a plus
de chaussures à talons pour battre le pavé
de paquets-cadeaux à préparer
avant le passage en caisse,
plus de devantures à lécher des yeux,
plus de billets de loto à rapporter pour le vendredi jour de chance.
Il n’y a plus de déflagrations
pour trouer les ciels, un à un,
plus de corps qui tremblent par terre et tentent de ramper
hors de la scène,
ou disparaître en fœtus d’oubli sous les rideaux.
Plus de cris jetés,
hoquets d’artères, appel en miettes,
hors de la boîte à paniques, hors du coffre aux terreurs.
Hier se raconte soudain en conte de fée oublié
barré d’une croix rouge.
On a déposé les photos des jours heureux
en icônes improvisées sur les rebords de nuit.
Maintenant, c’est l’âge du creux, la cérémonie de la faille.
Deux passants, droits debout,
absents du temps,
main dans la main écoutent
le glas qui tombe en avalanche d’une cloche à l’autre,
déposant devant eux
toutes les guerres du monde.
Maintenant, c’est le signe de la pitié, bougies et armes blanches,
qui descend en poudre sur les fronts.
Maintenant il y a au milieu du tamponnage des bruits,
des instants routiniers qui vaquent à leurs occupations,
commentaires en boucles d’images
et jacassements qui reprennent déjà,
il y a
le temps du roulement dans les feuilles d’automne
qu’une enfant de quatre ans
lève à pleines brassées.
Maintenant, il y a
le temps du roulement dans les feuilles d'automne
qu'une enfant de quatre ans lève à pleines brassées.
Maintenant, il y a
le suspens de vivre,
l'autre porte de la mer qui s'ouvre,
la trajectoire sans fin.
Et cette minute de silence qui cogne,
cogne aux tympans.
Strasbourg-Paris-Marseille, ce 16 novembre
MINUTO DI SILENZIO
Non c’è più nessuna partita Francia-Germania che tenga,
non più concerto delle aquile di metallo morto,
non più bicchiere da offrire al Café de la Belle Équipe,
né birra da sorseggiare nella sala del Carillon
né ordinazione per un dessert al Petit Cambodge.
Non ci sono più
scarpe con talloni per battere il selciato,
pacchi regalo da preparare
prima del passaggio alla cassa,
non più vetrina da leccare con gli occhi,
non più biglietto della lotteria da riportare per il venerdì giorno della fortuna.
Non ci sono più spari
per bucare i cieli, ad uno ad uno,
non più corpi che tremano per terra e tentano di strisciare
fuori dalla scena,
o sparire in feti dell’oblio sotto le tende.
Non più grida gettate,
singhiozzi d’arterie, richiami in briciole,
fuori dalla scatola del panico, fuori dal baule dei terrori.
Ieri d’improvviso si racconta in fiaba dimenticata
segnata da una croce rossa.
Abbiamo deposto le foto dei giorni felici
in icone improvvisate ai margini della notte.
Ora, è l’età del vuoto, la liturgia della breccia.
Due passanti, dritti in piedi,
assenti dal tempo,
mano nella mano ascoltano
la campana a morto che cade a valanga da una campana all’altra,
depositando davanti a loro
tutte le guerre del mondo.
Ora, è il segno della pietà, candele e armi bianche,
che scende in polvere sulle fronti.
Ora, c’è in mezzo al cozzare del chiasso,
istanti abitudinari trattenuti dai propri impegni,
commenti d’immagini a ciclo continuo
e i cicalecci che già riprendono,
c’è
il tempo del rullio nelle foglie d’autunno
che una bambina di quattro anni
solleva a piene mani.
Ora, c’è
la sospensione di vivere,
l’altra porta del mare che s’apre,
la traiettoria senza fine.
E questo minuto di silenzio che batte,
batte sui timpani.
Strasburgo-Parigi-Marsiglia, 16 novembre 2015
Poesia scritta dopo gli attentati di Parigi del 13 novembre 2015 (NdT)
| 
Dominique Sorrente