tirer à blanc sur les mirages
en chair, en os : écrire à vue. À fond.
À perte. Sur le visage la bouche ouverte
des gens qui portent
le poids de leurs rêves comme un dernier
sourire : leur âme bée, leur langue pend,
les dents qui claquent dans un grand vent,
la vie qui passe par la grande porte
fermée à clé. L'histoire à deux
jamais contée, qui se conclut d'emblée
sur un silence qu'on garde, une faute
de frappe que l'on commet, une rature triste
sur un visage aimé, une cicatrice sur le poignet
entre nos doigts crispés : ils en retiennent
le pouls. Le poème de la vie retenue,
une dernière note
tenue, un peu de soi
échoué
sparare a salve sui miraggi
in carne, in ossa: scrivere a vista. A fondo.
In perdita. Sul volto la bocca aperta
della gente che porta
il peso dei sogni come un ultimo
sorriso: la loro anima schiusa, la lingua pende,
la frusta dei denti in un folle vento,
la vita che passa dalla porta grande
chiusa a chiave. La storia a due
mai raccontata, che di schianto si conclude
nel custodito silenzio, un errore
di battuta che si commette, un triste fregaccio
sopra un volto amato, una cicatrice sul polso
tra le nostre dita contratte: ne misurano
il battito. La poesia: della vita trattenuta,
un'ultima nota
sostenuta, un po' di sé
naufragato
(frammento)
je porte ce chien
en moi : une âme
entre les côtes, une espèce d'être
à bout. Il prend mon pouls
entre ses griffes : une plaie, un trou,
du néant d'homme qu'un coup de patte
ravive. D'un trait. La vie est
signée. Auto-
graphiée : rien de vrai
dans cette histoire
qu'un coup de griffe n'approuve : un sceau
sur la peau nue, la belle enveloppe cachetée
où l'on s'enferme à vie. Des fois
je promène ma peau
dans d'autres mondes que moi : une langue,
des mots, des champs, des bois
et je me perds de vue : ma mémoire
me siffle, me crie, tire sur
une laisse, une chaîne, un fil in-
visible qui me ramène à moi. Par ce
chien-là : l'âme nue
au bout d'un long bras, qui me tient par
le cou : la vie me serre, la vie m'étouffe
porto quel cane
in me: un'anima
tra le costole, una specie d'essere
stremato. Mi prende il polso
tra le sue unghie: una piaga, un buco,
del nulla d'uomo che un colpo di zampa
rianima. Con un fregio. La vita è
firmata. Auto-
grafata: nulla di vero
in questa storia
che un'unghiata non approvi: un marchio
sulla pelle nuda, il bell'involucro sigillato
dove rinchiudersi a vita. Talvolta
porto in giro la mia pelle
in altri mondi fuori da me: una lingua,
parole, campi, boschi
e mi perdo di vista: la mia memoria
mi fischia, mi urla, tira su
un guinzaglio, una catena, un filo in-
visibile che mi riporta a me. Con codesto
cane: l'anima nuda
al termine d'un lungo braccio, che mi tiene per
il collo: la vita mi stringe, la vita mi soffoca
(frammento)
dieu ce
temps mort dans la coulée des siècles :
une part du monde
non partagée, restée sans
rapport avec la vie, la vue, la voix : la vé-
rité nue qui est qu'on meurt a-
vec lui à tous les
coins de rue. Je meurs
de la mort de dieu parce qu'on
ne meurt pas de sa propre mort qui est bien
trop peu
dio quel
tempo morto nel fluire dei secoli:
una parte del mondo
non condivisa, rimasta senza
rapporto con la vita, la vista, la voce: la ve-
rità nuda ad ogni
angolo di strada. Muoio
della morte di dio poiché
non si muore della propria morte che è assai
poco
da Dépositions (Montréal, Le Noroît, 2006)
il y a le réel : sa lente
montée dans le corps
du monde en un irré-
sistible désir de
monter
enfoui sous toutes
ses fuites
le fruit mûri d'une longue
attente
sous l'arbre qui ne fleurit qu'en
pensée
le rêve comble le réel
avec du vent que parler couche
dans l'herbe
et faire silence
après
l'arrache à
coups de dents à coups
d'épée dans l'air
v'è il reale: la sua lenta
ascesa nel corpo
del mondo in un irre-
sistibile desiderio di
salire
sepolto sotto ogni
sua fuga
il frutto maturato d'una lunga
attesa
sotto l'albero che fiorisce soltanto in
pensiero
il sogno colma il reale
con del vento che parlare rovescia
nell'erba
e fare silenzio
dopo
lo strappa a
colpi di denti a colpi
di spada nell'aria
être l'âme qu'on prête
à chaque brin d'herbe dans le vent qui
le courbe vent de vie vent de mort dire haut
et fort l'immense forêt qui bouge en
chaque feuille le cœur est cette oreille
le bruit ouaté des choses que l'écho rythme
avec des coups que personne n'attend
la rumeur voudrait que nous parlions
de choses et d'autres et surtout d'autres
dans le désert que cela fait le vide de vivre dans de l'a-
phasie
essere l'anima che si attribuisce
a ogni filo d'erba nel vento che
lo curva vento di vita vento di morte dire ad alta
e chiara voce l'immensa foresta che si muove in
ogni foglia il cuore è quell'orecchio
il rumore ovattato delle cose che l'eco scandisce
con colpi che nessuno aspetta
la diceria vorrebbe che parlassimo
di questo e d'altro e soprattutto d'altro
nel deserto innescato dal vuoto di vivere in seno all'a-
fasia
da Voire (Montréal, L'Hexagone, 2007)
la langue des arbres ne se parle plus
qu'au ciel celle de la terre s'exile dans celle
du vent haut dans
les airs des espaces in-
quiétants renversent
le temps de l'homme qui cul-
tive dieu dans sa valise en-
trouverte le trans-
plante nu la tête la
première là-bas où il est sur
les genoux cesse de
parler recom-
mence tout : sa vie tombée
du ciel montée de terre on ne sait
plus trop venue de rien
à rien mais dans un tel
élan qu'on dirait une pa-
role d'or lancée dans l'air
glacé : le dernier être
parlant au premier é-
coutant dit à tue-tête il n'y a que les
dieux morts qui prêtent l'oreille aux dieux sur-
vivants
la lingua degli alberi non si parla più
che in cielo quella della terra si esilia in quella
del vento alto
nell'aria degli spazi in-
quietanti rovesciano
il tempo dell'uomo che col-
tiva dio nella valigia dis-
chiusa lo tra-
pianta nudo a
capofitto laggiù dov'è
stremato smettila di
parlare ricom-
incia tutto: la sua vita caduta
dal cielo salita da terra non si sa
più di preciso giunta da niente
a niente ma con un tale
slancio che parrebbe una pa-
rola d'oro scagliata nell'aria
gelida: l'ultimo essere
parlante al primo as-
coltante dice a squarciagola vi sono soltanto
gli dei morti a dar retta agli dei soprav-
vissuti
la langue des hommes ne se rappelle
de rien celle des dieux s'oublie dans
les cieux derrière des portes
claquées tu dis que les
voix sourdes cognent dur contre les mondes
sous clé tu dis qu'on perd ses mots la tête a-
vec eux dès que l'on tourne le dos au monde
d'où vient la chose
là-bas qui n'a de nom dans au-
cune langue aucun par-
ler franc rien qu'une
idole de papier peint
contre les murs de l'air que tu appelles le ciel ou bien
l'enfer selon que passe ou non le nuage
dedans qui te porte
ombrage te fait ce visage d'en-
terrement : deux petites tombes
à l'endroit fixe des yeux une grande
bouche d'ombre en lieu et place de dieu
la lingua degli uomini non si ricorda
di niente quella degli dei si dimentica nei
cieli dietro porte
sbattute dici che le
voci sorde picchiano forte contro i mondi
sottochiave dici che si perdono le proprie parole in-
sieme a loro appena si voltano le spalle al mondo
da dove arriva la cosa
laggiù che non ha nome in al-
cuna lingua alcun par-
lare schietto nulla che
un idolo di carta da parati
sui muri dell'aria che chiami il cielo oppure
l'inferno a seconda che passi o no la nuvola
dentro che ti
adombra ti fa quel volto da fu-
nerale: due piccole tombe
nel punto fisso degli occhi una gran
bocca d'ombra in luogo e sede di dio
la langue des uns est dans la bouche des autres
qui la parlent à
l'oreille la lisent sur
les lèvres l'écrivent dans
les yeux tu parles ton corps plus qu'au-
cune langue si vivante soit-elle si na-
turelle une langue natale est dans
tes mains ce geste tendre que tu fais vers moi ce sa-
lut sourd cet a-
dieu lourd comme des bras pleins
d'antiques fantômes dont tu te souviens
dans une langue morte longtemps dis-
parue les hébreux muets les ara-
méens les hittites nus tu parles sans fin ta bouche en
chaque mot des baisers d'air donnés aux
passants des clins
d'œil d'ombre au-dessus des verbes que tu ne con-
jugues plus tu es l'in-
finitif présent des langues qu'on garde pour soi en un vague
secret contre les dieux in-
discrets les dieux ré-
vélés dans leurs langues de croix les dieux ré-
vérés pour leur manque de voix leur silence é-
bruité
la lingua degli uni è nella bocca degli altri
che la parlano
all'orecchio la leggono sulle
labbra la scrivono negli
occhi parli il tuo corpo più di qual-
siasi lingua per quanto viva sia così na-
turale una lingua materna è nelle
tue mani quel tenero gesto a me rivolto quel sor-
do saluto quell'ad-
dio pesante come braccia colme
d'antichi fantasmi che rammenti
in una lingua morta da tempo spa-
rita gli ebrei muti gli a-
ramaici gl'ittiti nudi parli di continuo la bocca in
ogni parola baci d'aria dati ai
passanti strizzate
d'occhio d'ombra al di sopra dei verbi che non co-
niughi più sei l'in-
finito presente delle lingue tenute ognuno per sé in un vago
segreto contro gli dei in-
discreti gli dei ri-
velati nelle loro lingue di croce gli dei ri-
veriti per la loro mancanza di voce il loro silenzio di-
vulgato
ta langue retourne dans la bouche première
où elle se mêle à toutes
les autres leur salive d'un
seul trait humec-
tant l'air avec des mots qu'on ne com-
prend plus qui ouvrent à grands
battants être et
non-être dans le même
paquet : petit tas d'os qu'on dit post-
humain posté là-bas à la porte de
l'histoire c'est le gardien de tes dé-
sirs nus quand ils s'évadent de l'in-
distinct pour s'incarner dans tes
deux mains tes lèvres closes tes yeux reclus dans leurs visions
La tua lingua ritorna alla bocca d'origine
dove si mischia a tutte
le altre la loro saliva d'un
sorso umet-
tando l'aria con parole che non si ca-
piscono più che aprono
spalancano essere e
non essere nello stesso
involucro: mucchietto d'ossa dicesi post-
umano appostato laggiù alla porta della
storia è il guardiano dei tuoi nudi de-
sideri quando fuggono dall'in-
distinto per incarnarsi nelle tue
due mani le tue labbra chiuse i tuoi occhi nelle loro visioni reclusi
la langue de l'homme et la langue
de dieu dans le même
baiser sur la bouche sans fond d'un monde in-
versé où c'est le verbe qui prend chair dans
l'été a-
vancé : des par-
fums rares d'inouïes saveurs sortent de
chaque mot le rouge aux lèvres des sa-
lives fraîches la douceur du
palais les gorges nouées à leur propre souffle les gorges
étreintes on dit é-
gorgées : cet em-
mêlement de langues parlées et dé-
parlées donne le silence a-
bondant où chacun peut
danser jusqu'à la transe
de nuit où chaque chose à
chaque autre serait en-
lacée : l'embras-
ment lent de ta vie et de la mort
des dieux tel un
mot nu qui meurt sur
tes lèvres donne l'air donne l'heure
à ceux qui passent par la
bouche muette des choses pour aller où
s'aimer se taire ferait un monde une terre une vie à deux
la lingua dell'uomo e la lingua
di dio nello stesso
bacio sulla bocca senza fondo d'un mondo in-
vertito oppure è il verbo a incarnarsi
nell'estate in-
oltrata: ra-
ri profumi di strabilianti sapori escono
da ogni parola il rossetto delle fres-
che salive la dolcezza del
palato le gole annodate al loro respiro le gole
strette dicesi sgoz-
zate: quell'in-
trico di lingue parlate e spar-
late dà il silenzio ab-
bondante dove ognuno può
ballare fino all'estasi
di notte dove ogni cosa a
ogni altra sarebbe al-
lacciata: l'abbrac-
cio lento della tua vita e della morte
degli dei come una
nuda parola che sulle tue labbra
muore dà l'aria dà l'ora
a coloro che passano dalla
bocca muta delle cose per andare dove
amarsi tacere farebbe un mondo una terra una vita in due
la langue des uns et la langue
des autres une fois em-
mêlées ne se dé-
nouent plus tu parles dans ce mélange comme si tu te
mentais : j'entends des rires jusque dans
cette bouche que tu partages a-
vec dieu un mot un gouffre la vie entière serait sur
tes lèvres le monde entier entre tes dents un verbe à
ronger j'entends pleurer dans ta gorge sèche
que dieu assoiffe avec des mots amers le mot
aimer j'entends les dieux racler leur voix contre la tienne
dans un bruit sourd de baisers forcés
de secrets violés de vies ar-
rachées je n'entends plus que cette bouche a-
bouchée au vide où tu puises ton der-
nier souffle retrouves la paix la bouche
fermée à vie par celle
d'un dieu à court de
secrets : tout ce que
tu cries dans ce que tu tais
la lingua degli uni e la lingua
degli altri una volta aggro-
vigliate non si sno-
dano più parli in questo miscuglio come se tu ti
mentissi: ascolto risate fino in
quella bocca che condividi con
dio una parola un dirupo la vita intera sarebbe sulle
tue labbra il mondo intero tra i denti un verbo da
rosicchiare sento piangere nella tua gola arsa
che dio asseta con parole amare la parola
amare sento gli dei raschiare la loro voce contro la tua
in un sordo rumore di baci forzati
di segreti violati di vite strap-
pate non sento più che questa bocca mentre ab-
bocca il vuoto dove attingi il tuo ul-
timo soffio ritrovi la pace la bocca
chiusa per sempre da quella
di un dio a corto di
segreti: tutto ciò che
gridi in ciò che taci
la langue des dieux pose son
bâillon sur ta bouche nue et c'est a-
vec elle que je t'embrasserai de toutes
mes forces pour te faire
parler te tor-
turer avec des mots qui rongent
le cœur gercent les lèvres
sèchent les gorges les yeux et a-
vouent le monde qu'on ne peut dé-
noncer sans com-
promettre l'humanité au
complet les dieux compris : je prends
ta bouche dans l'étau de
tes lèvres puis serre
ton silence ex-
purgé un souffle à peine un secret bien
gardé tel un baiser qui dort entre les
mordées un mot caché sous les mots ex-
hibés où tu fais voir un peu de ta
peau nue un bout de dieu a-
véré
la lingua degli dei posa il suo
bavaglio sulla tua bocca nuda ed è in-
sieme a lei che ti bacerò con tutte
le mie forze per farti
parlare tor-
turarti con parole che rosicchiano
il cuore screpolano le labbra
seccano le gole gli occhi e
confessano il mondo che non si può de-
nunziare senza com-
promettere l'umanità al
completo compresi gli dei: prendo
la tua bocca nella morsa delle
tue labbra poi stringo
il tuo silenzio es-
purgato un respiro appena un segreto ben
custodito come un bacio che dorme tra i
morsi una parola nascosta sotto le parole es-
ibite dove mostri un po' della tua
pelle nuda un pezzo di dio av-
verato
da Trombes (inedite)
PIERRE OUELLET
Pierre Ouellet strattona i codici, li rovescia, li stravolge, interroga la lingua senza andare per il sottile. Lo fa con una materia poetica che attinge alla miniera del reale. Sono sufficienti pochi versi per produrre le fratture, i cortocircuiti di senso, con tanto di caduta e frantumazione. Egli ricostruisce ogni scena in forma di Torre di Babele in uno stile a sua volta frastagliato. Il linguaggio ha statuto di personaggio mentre la regia si rivela implacabile.
