sur les incidents de ma vie je dirai peu
petite prière du soir cueillette des fraises
glaçons de février pendus
au bout de mon nez morsure du vent
il me souvient d'avoir souffert
quand la sonde fouillait mon ventre
- malgré les apparences je recomposais
un nouveau corps dans mon corps brisé
si banal soit l'accident
la preuve manquante nous lie
à la fuite des instants
voici que j'entends fuser dans la pénombre
quelques rires c'est vrai me dis-je
les choses tombent et revivent
sui guai della mia vita poco racconterò
piccola preghiera serale raccolta delle fragole
ghiaccioli di febbraio appesi
alla punta del naso morsicatura del vento
ricordo d'aver sofferto
quando la sonda frugava il mio ventre
- nonostante le apparenze ricomponevo
un nuovo corpo nel mio corpo distrutto
malgrado banale sia l'incidente
la prova che manca ci vincola
alla fuga degli istanti
ecco che sento scaturire nella penombra
qualche risata è vero mi dico
le cose cadono e poi rinascono
tant de faits et de détails
peuplent les jours
la plus infime présence
creuse l'ombre de la mort
et ne mérite pas d'attention
à l'instant je mange un fruit
face au fleuve calme et lisse
je marche là où nul n'est passé
et cela m'étourdit
me fragmente
tanti fatti e dettagli
popolano i giorni
la più infima presenza
scava l'ombra della morte
e non merita cotanta attenzione
adesso mangio un frutto
di fronte al fiume calmo e liscio
cammino qui dove nessuno è passato
e ciò mi stordisce
mi frammenta
il en va des rencontres comme des livres
quand je m'approche la perspective s'ouvre
à l'infini
je ne regrette pas ce passage
plus ou moins anonyme
parmi mes semblables
je suis variable et un peu fatigué
encore cette réponse ne vaut-elle que pour moi
quant à l'époque
comment se souvenir
si le territoire se réduit
à une solitude sans fin
lève tes yeux du livre
cela ajoute-t-il un sens
que tu te perdes en conjectures
lo stesso si può dire dei libri e degli incontri
quando mi avvicino s'apre la prospettiva
all'infinito
non rimpiango questo passaggio
più o meno anonimo
tra i miei simili
sono variabile e un po' stanco
ancorché questa risposta valga solo per me
in quanto all'epoca
come ricordarsi
se il territorio si riduce
a una solitudine senza fine
alza gli occhi dal libro
quale senso in più
quel tuo perderti in congetture
da L'oubli du monde (Éditions du Noroît, 1993)
Infiniment je livre combat
pour découvrir le paysage d'un mot
comme un nom qui se serait enfoui
ne trouvant plus son destin
mal endeuillé sous les pierres
au premier geste les paumes glacées
fleurent l'air de la chambre
sans appui au-dessus du vide
Infinitamente combatto
per scoprire il paesaggio d'una parola
come un nome che sia sprofondato
non trovando il proprio destino
malamente funestato sotto le pietre
al primo gesto i palmi ghiacciati
sentono l'aria della stanza
senza appoggio sopra il vuoto
Je suis en exil
au centre de ma nuit fraternelle
le mauvais sang des jours
embouche peu à peu les artères
durcies par le temps et les petits excès
quotidiens et celles-ci déjà
oblitérées tandis que sur la peau des mains
les callosités craquent et saignent
glacées
Sono in esilio
al centro della mia notte fraterna
il tormento dei giorni
imbocca a poco a poco le arterie
indurite dal tempo e dai piccoli eccessi
quotidiani e queste già
occluse mentre sulla pelle delle mani
i calli scricchiolano e sanguinano
intirizziti
Une fois de plus je sors prendre
la dimension de la solitude qui m'étreint
parfois comme ce soir où monte le spleen
qui m'écarte de la foule bigarrée
une fois de plus je m'empêtre
parmi ces cahiers
qui roulent dans ma vie
en toutes circonstances
une fois de plus ma voix mesure
l'intensité du silence
una volta di più esco per valutare
la dimensione della solitudine che mi opprime
talvolta come stasera in cui sale lo spleen
che mi allontana dalla folla variegata
una volta di più m'impiglio
tra questi quaderni
che rotolano nella mia vita
in ogni circostanza
una volta di più la mia voce misura
l'intensità del silenzio
da Fenêtres et ailleurs (Éditions du Noroît, 1996)
Or des sources, désert
des solitudes, venu de l'aval
vers cet archipel de rochers cannelés
homme aux frontières
de ton étroite maison
le hasard a conduit tes gestes
aux rencontres aveugles des jours
si loin que le corps étourdi par ses remords
construit un passage de mots et de chiffres
premiers d'un pas ultime
dont émane un premier chant bleu.
Fuori dalle sorgenti, deserto
delle solitudini, sopraggiunto a valle
verso questo arcipelago di rocce striate
uomo alle frontiere
della tua angusta casa
il caso ha guidato i tuoi gesti
fino agli ottenebrati incontri dei giorni
così lontano che il corpo sconvolto dai rimorsi
costruisce un passaggio di parole e numeri
primi di un passo conclusivo
da cui sgorga un basilare canto blu.
La nuit jongle, au jusant l'aube
laisse aux amants leur forge grise
quand leurs courbes aussi bien que leurs bouches
parfaitement épousée s'enivrent de l'air
des hauts-plateaux.
Le chant monte depuis les paupières
closes - rideaux rompus à tous les rêves.
La nuit presse leurs visages.
La voix forge ce paysage tendu
par le temps et les nombres
remémorés par les mots
les cendres retombent sur l'homme
qui recommence de nommer
épris par l'étau des heures
les nerfs étouffés par des sommets d'angoisse
empruntant les alvéoles les plus anciennes
la joie d'un instant perdu
pour toujours
les objets perdent
leur densité : la chaise
abstraite n'a plus d'ombre.
Giocoliera la notte, l'alba al riflusso
abbandona agli amanti la loro grigia fucina
quando le curve quanto le bocche
perfettamente congiunte s'inebriano dell'aria
degli altipiani.
S'innalza il canto dalle chiuse
palpebre - sipari avvezzi ad ogni sogno.
La notte ne attanaglia i volti.
La voce tempra il teso paesaggio
con il tempo e i numeri
da parole rimembrati
le ceneri ricadono sull'uomo
che ricomincia a nominare
stretto nella morsa delle ore
i nervi soffocati da picchi d'angoscia
imboccano gli alveoli più antichi
la felicità d'un istante smarrito
per sempre
gli oggetti perdono
l'intensità: la sedia
astratta non ha più ombra
Quels pas entendront le silence
du soir, quels sons
du plus grave au plus aigu
sèmeront dans la terre infertile
les fleurs leurrées par le jour
l'ébrouement fuyant des ailes
des oiseaux sur la peau de l'air
quelles bouches avaleront le fleuve
porté à leurs lèvres comme un calice
quelles heures d'amertumes enterreront
tes os, pensai-je.
Devant la glace sans fin
où ne luit qu'un pâle soleil
ce mythe d'une étendue
sans fin découvres-tu la racine
lumineuse d'un nom encore caché
l'histoire muette de son chant
dont le sang et la cendre répandus
sur les champs d'Europe reviennent
la voyelle maudite d'un train
qui franchit l'insoutenable
l'insomniaque hurlement de la nuit
cependant que l'orgueilleuse image
obstrue la connaissance de tes racines.
Quali passi frugheranno il silenzio
della sera, quali suoni
dal più grave al più acuto
semineranno nell'infertile terra
i fiori ingannati dal giorno
il fruscio fuggevole dell'ali
degli uccelli sulla pelle dell'aria
quali bocche ingoieranno il fiume
portato alle labbra come un calice
quali ore di sconforto sotterreranno
le tue ossa, pensavo.
Davanti al ghiaccio sconfinato
dove non riluce che un pallido sole
questo mito d'una distesa
sconfinata scopri forse la radice
luminosa d'un nome ancora nascosto
la muta storia del suo canto
il cui sangue e la cenere sparsi
sui campi d'Europa ritornano
la maledetta vocale d'un treno
che travalica l'insostenibile
l'urlo insonne della notte
mentre l'orgogliosa immagine
soffoca la conoscenza delle tue radici.
Tu accuses les faits : l'ombre
la cendre et la clarté mauvaise
de la lumière du jour assombri.
Tu récuses : les navires
des sociétés pétrifiées dans les glaces
pour peu tu t'éloignerais n'écoutant plus
que ta volonté de saisir le sens
des signes, des sensations
mais dans la confession l'amour
se confond avec les mensonges, et les débris
corrodés de la parole jettent un éclairage
faible devant tes pas.
Les faits, tu les consommerais bien assez
tôt : une vie s'écrirait simplement
à son revers, sans que cesse
le lien l'unissant à son ombre
d'un autre temps ; une chaîne
où tu ne dirais plus seulement la géologie
des violences terrestres
mais la folie même de la nature.
Stai accusando i fatti: l'ombra
la cenere e l'iniqua chiarità
della luce nel giorno oscurato.
Tu ricusi: le navi
delle società irrigidite nei ghiacci
poco ci manca che ti allontani ascoltando
solo l'istinto di catturare il senso
dei segni, delle percezioni
ma nella confessione l'amore
si confonde con la menzogna, e i rottami
corrosi della parola gettano un debole
bagliore dinanzi ai tuoi passi.
I fatti, li consumeresti fin troppo
in anticipo: una vita si scriverebbe semplicemente
nel suo risvolto, senza che s'interrompa
il legame che la unisce alla sua ombra
d'altro tempo; una catena
dove non diresti più soltanto la geologia
di terrestri furori
ma la stessa follia della natura.
Des pans de rêves sortent de l'horizon
et l'horizon est un œil rongé par le sang.
Ton entêtement, cependant, sur la route
isolée de ce ciel gris - l'enfantement
futile et fiévreux, l'enchantement
qui transfigure les sommeils
et engendre quelques noms
pour ce monde opaque.
Lembi di sogni fuoriescono dall'orizzonte
e l'orizzonte è un occhio rosicchiato dal sangue.
Tuttavia, il tuo insistere, sulla strada
isolata di questo cielo grigio - il parto
futile e febbrile, l'incanto
che altera il sonno
e genera alcuni nomi
per quest'opaco mondo.
Tout naturellement tes pas
t'ont mené à cette idée :
temps et espace sont traversés
au rythme d'un corps en mouvement
dans l'air sans faille du crépuscule
comme tu l'as déjà lu dans l'un ou l'autre
des magazines que tu consultes à l'occasion.
Tu glisses sur le fil de ta vie
quantique. Tant de mondes
pleuvent, qui conduisent aux quatre coins
des mers, les mots ne changeront rien
à ces lois terrestres
- ni à la glaise
où prend forme un poème
sans surface, la forme
originelle de ton désir.
I tuoi passi ti condussero
in tutta naturalezza fino a questo pensiero:
tempo e spazio sono traversati
dal ritmo d'un corpo in movimento
nell'aria inappuntabile del crepuscolo
come già avrai letto nell'una o nell'altra
delle riviste che talvolta consulti.
Scivoli sul filo della tua vita
quantica. Tanti mondi
precipitano, che portano ai quattro angoli
dei mari, le parole nulla muteranno
di queste terrene leggi
- neppure l'argilla
dove prende forma una poesia
senza superficie, la forma
originaria del tuo desiderio.
Voici le jour venu par une autre voix
forgée au silence d'un feu
sans fond ni commencement
inexplicable comme ce remuement
des lèvres après l'interruption.
Ecco il giorno giunto tramite un'altra voce
forgiata nel silenzio d'un fuoco
senza fondo né esordio
inspiegabile come questo tremolio
delle labbra dopo l'interruzione
Je cherche un poème, penses-tu
un fait de pensée qui se trouve noué
au monde, en une vision
encore indistincte ; l'interlocuteur
acquiesce d'un signe de tête
- une pensée ne vient pas seule
elle cherche des lèvres
des livres épris de chemins
constamment repris par les consonnes
mélancoliques laissées à leur oubli
à l'heure cardinale de ton cri
- chant
qui s'entame
et sans une larme
le sang coule.
Stai pensando, cerco una poesia
un fatto di pensiero che si trovi annodato
al mondo, in una visione
ancora indistinta; l'interlocutore
annuisce con un cenno del capo
- un pensiero non arriva da solo
cerca labbra
dei libri invaghiti delle strade
sempre riprese da consonanti
melanconiche lasciate al loro stesso oblio
nell'ora cardinale del tuo grido
- canto
che si avvia
e senza una lacrima
il sangue fluisce.
Cela recommence, l'œil
la nuit, la fin, le livre
qu'une main tient
qui liquide le jour au profit
de ses gestes les plus obscurs
et encore le vent, aussi bien
que l'absence de vent
veilleur des retours sans parole
alors que tu trébuches
nuit après nuit, sur la frontière.
Je ne voyais plus que le bleu
du ciel : ainsi l'homme crée-t-il
un pont qui le lie
au noyau du temps.
Ci risiamo, l'occhio
la notte, la fine, il libro
che una mano afferra
che liquida il giorno a favore
dei più ignoti gesti
e il vento ancora, e persino
l'assenza di vento
guardiano dei ritorni senza parola
mentre inciampi
notte dopo notte, sulla frontiera.
Non vedevo più che l'azzurro
del cielo: così l'uomo crea
un ponte che lo collega
al nucleo del tempo.
Tu bredouilles des insultes
et embrouilles jusqu'à l'origine
tes méridiens
en un désir de prédation
qui te surprend.
Les gémissements de l'intrus
issu du hasard des rues
tu les savoures dans tes souterrains.
L'œil grandit en dehors de ta volonté
partout des portes s'ouvrent
si nous tombons au fond des eaux.
L'aube brûlait les lèvres
du jeune noyé
de la fenêtre tutoyée dans l'âme
un silence plénier.
Bien avant consentirais-tu au jour
son masque bleu, la terre
scellée sur ses margelles,
l'anéantissement
de ton nom sur ta peau.
Balbetti degli insulti
e imbrogli fino all'origine
i tuoi meridiani
in un impeto di predazione
che ti sorprende.
I lamenti dell'intruso
sorto da una casualità di strade
li assapori nei tuoi sotterranei.
L'occhio cresce al di fuori della tua volontà
ovunque, s'aprono porte
se in fondo all'acque cadiamo.
L'alba bruciava le labbra
del giovane annegato
dalla finestra a cui dare del tu dentro l'anima
un silenzio plenario.
Molto prima consentirai al giorno
l'azzurra maschera, la terra
sigillata sulle sponde,
l'annientamento
del tuo nome sulla sua pelle.
da Origine des méridiens (Éditions du Noroît, 2005)